jeudi 9 juin 2011

Banderilles /2


Je reviens sur la fiche dont j’ai traité dans le billet précédent, en particulier sur la formule « totalement inusité au Québec ». Cet argument, pour justifier le rejet d’un terme parfaitement français, est particulièrement pernicieux. J’en parlais hier avec le juge Robert Auclair, fondateur et ancien président de l’Asulf (Association pour l’usage et le soutien de la langue française) et il me faisait remarquer que, lorsqu’il avait fait introduire le terme grutier dans une convention collective, celui-ci était tout à fait inusité au Québec mais que cela ne l’avait pas empêché d’agir.

Dans les années 1950, avant la création de l’Office de la langue française (1961), et même longtemps après, dans le domaine de l’automobile, les termes usités étaient flat, windshield, tyre, muffler, etc. Cela n’a pas empêché l’Office de l’époque d’agir, bien au contraire. L’enquête sur le vocabulaire des Québécois de 2006 a montré la francisation de ce secteur :

Comment nommez-vous habituellement cet objet ?
Objet représenté par l’image
Pourcentage de personnes ayant répondu par le terme standard

Essuie-glace

69,6

Pneu

81,9

Crevaison

65,8
http://www.oqlf.gouv.qc.ca/etudes/etude_11.pdf

Quand René Levesque a imposé le français comme langue de travail dans la construction du barrage Manic-5, toute la terminologie française y était forcément inusitée.

Dans les années 1950, la publicité vantait le « beau poêle Bélanger » puis elle est passée progressivement à la cuisinière. Dans l’enquête sur le vocabulaire de 2006 auprès de la population de Montréal et de Québec, quand on leur présentait la photo d’une cuisinière, 52 % des personnes donnaient comme première réponse le mot cuisinière.

Quand on a francisé la Générale Électrique à Québec dans les années 1970, le mot crapaudine y était « totalement inusité », pourtant l’Office n’a pas hésité à le proposer : cela a tellement fait rigoler les employés que le terme s’est répandu comme une traînée de poudre.

L’argument qu’un terme français est inusité au Québec ne devrait donc pas empêcher l’Office québécois de la langue française de le proposer. Autrement, l’Office ne répond plus à sa mission de francisation.

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