mardi 8 mai 2012

Le GDT permet-il de trouver gougoune à son pied ?



Ce matin, achat de chaussures de sport. J'ai été étonné (sûrement à tort) de constater que le vendeur chez Sports Experts faisait spontanément la différence entre des tennis et des baskets. On est donc loin de l’époque des shoe-claques et des runnings, cette époque où l’on croyait bien parler français en appelant espadrilles ce qu’aujourd’hui on appelle des tennis ou des baskets.


Je suis allé vérifier ce qu'en disait le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. Consternation !


La fiche « chaussure de sport » vient d'être rédigée (ou mise à jour, en tout état de cause elle date de 2012). On y confond allégrement espadrilles, tennis et baskets, synonyme et hyperonyme. Et on omet de dire que, dans la « langue courante », tous ces mots sont généralement employés au pluriel.


Selon le GDT, le terme chaussure de sport a comme synonymes, tenez-vous bien, espadrille, tennis et basket. Des espadrilles, des tennis et des baskets, ce serait donc la même chose ! On se demande dans ce cas à quoi peut bien servir un dictionnaire dit terminologique.


Le rédacteur de la fiche ne s’est pas rendu compte que le terme chaussure de sport est un hyperonyme (je lui suggère de lire l’article hyperonymie dans Wikipédia). On aurait à la rigueur compris que, pour une fois, le GDT parle de « quasi-synonyme » – notion qu’il utilise d’ailleurs de façon aléatoire (voir l’analyse de Lionel Meney, Main basse sur la langue, Montréal, Liber, 2010, pp. 424-428).


Regardons de plus près la rédaction de la fiche. L’entrée, chaussure de sport, est au singulier – alors que le mot est surtout usité au pluriel, ce qui n’est pas indiqué sur la fiche. La note commence ainsi : « Le commerce offre une variété de modèles, à tige basse ou haute, de couleurs variées, en fonction de la mode. » Une variété de modèles de quoi ? Il aurait fallu écrire : une variété de modèles de chaussures de sport.


La deuxième phrase de la note se lit ainsi : « Lorsqu'elles sont conçues pour pratiquer un sport particulier, elles répondent à des caractéristiques propres et distinctives, qui touchent tout particulièrement la semelle (forme, épaisseur, composition, avec ou sans crampons, etc.). » À quoi se rapporte le pronom elles ? On le sait d’autant moins que l’entrée de la fiche est au singulier.


Troisième phrase de la note : « Pour la pratique de sports spécifiques, on dira chaussure de tennis, de basketball, de course, de vélo, de soccer, etc. » Le singulier du mot chaussure est parfait dans le cas d’un unijambiste.


Un peu plus loin on lit : « en Europe espadrille renvoie à une chaussure de toile très légère ». Curieux usage du verbe renvoyer pour signifier désigner.


Poursuivons : « Le genre du terme tennis, en usage en France, n'est pas fixé, mais il est le plus souvent attesté au féminin. » Et comprenons : en France, le genre du terme tennis n’est pas fixé mais le mot est le plus souvent féminin.


Bref, la note est rédigée dans un français approximatif.


Enfin, le rédacteur de la fiche chaussure de sport n’a pas mentionné comme « synonyme » [sic] le terme sneaker alors qu’il y a bien une fiche sneaker dans le GDT et qu’elle date de 1973 : « Chaussure basse légère pour l'été, à tige en toile, et dont la semelle, en général en tresse de corde, est emboutie et apparaît en forme de garde-boue tout autour pour se raccorder à la tige. »


Il est ahurissant de constater que, plus d’un an après le manifeste Au-delà des mots, les termes des anciens terminologues de l’Office, ce dernier met encore en ligne des fiches aussi discutables.



Plutôt que de tenter de réinventer la roue, l’Office devrait revenir au Vocabulaire de la chaussure de Céline Dupré qu’il avait publié en 1982 et dont je cite ici quelques extraits :

Espadrille : Soulier d'été en grosse toile, caractérisé par sa semelle de corde tressée. Il peut affecter différents styles sont le plus classique est plat et comporte un lacet que l'on enroule autour de la cheville.
Forme fautive : espadrille employé pour chaussure de tennis ou tennis et pour chaussure d'entraînement.

Chaussure de basket(-ball) : Bottillon lacé fait de forte toile, à semelle antidérapante généralement de caoutchouc, utilisé pour la pratique du basket-ball et accessoirement comme chaussure de loisirs. Il comporte souvent un renfort au niveau de la malléole interne. Rem. On dit aussi en abrégé, basket.   Formes fautives : running shoe, shoe-claque ou shouclaque.

Chaussure d'entraînement : Soulier lacé de sport fait de forte toile, de cuir ou de matériau synthétique et dont la semelle est antidérapante. Deux ou trois bandes transversales de couleur contrastante décorent généralement la tige de part et d'autre du laçage, et un renfort de caoutchouc couvre le bout. Formes fautives : adidas, espadrille.

Chaussure sport : Type de chaussure solide et confortable à talon plat et semelle épaisse, que l'on porte avec une tenue sport. Antonyme de chaussure de ville. REM. On dit aussi chaussure de sport quoiqu'il soit préférable de réserver cette appellation à la chaussure spécialement conçue pour la pratique d'un ou plusieurs sports : chaussure de basket, de ski, etc.

Chaussure de tennis : Soulier de style derby, ou parfois richelieu, dont la tige est faite de grosse toile. Il est généralement blanc, sans talon, pourvu d'une souple semelle antidérapante et d'un bout de caoutchouc. On le porte pour jouer au tennis ou comme chaussure de plein air.  REM On dit aussi en abrégé : tennis.  Formes fautives : shoe-claque ou shouclaque, running shoe, espadrille.

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