dimanche 6 janvier 2013

En deçà des promesses / 11



Sans doute le dernier billet avant que je mette en ligne les conclusions que je tire de mon examen du Franqus, Dictionnaire de la langue française, le français vu du Québec.


Se peinturer dans le coin

Dès le lendemain de l’élection, elle s’est peinturée dans le coin en réitérant que la taxe santé serait abolie coûte que coûte.
Michel David, « La boussole perdue », Le Devoir, 8 décembre 2012

En fermant la porte, au lieu de laisser les militants péquistes en débattre librement, la chef péquiste se peinture dans le coin et en fait encore une fois une question de leadership.
Michel David, « Notre ami Mitt », Le Devoir, 17 janvier 2012


L’expression se peinturer dans le coin (< to paint oneself in a corner) est absente du Franqus, svv. peinturer et coin. L’oubli est-il involontaire ou a-t-on tout simplement hésité à introduire dans le dictionnaire un autre calque caractéristique du français québécois standard « tel qu’il est écrit par l’élite québécoise, qui possède un français de qualité tout en incluant dans leur [sic] discours des mots, des expressions, des références, des sens différents du français de France » (voir le billet « En deçà des promesses / 9 ») ?


À sa face même

Outre qu'il se devait de faire un retour aux sources, il aurait pu douter de sa déclaration à sa face même.
Michel Paillé, « En 35 ans, la loi 101 n'a jamais conduit au moindre diktat touchant la vie privée », Huffington Post Québec, 11 décembre 2012


À sa face même vient de l’expression latine prima facie utilisée en anglais :

Ce terme connaît deux usages dont le premier, courant, se limite au sens littéral de « à première vue » et le second, juridique, évoque un aspect important du fondement de la preuve en Common law. Nous pouvons résumer sommairement et sans nuances cette procédure en matière de preuve ainsi : une preuve prima facie suffit tant qu'elle n'est pas défaite par une preuve contraire. »


La citation qui précède est extraite d’un ouvrage publié par le Conseil de la langue française en 1981.


Prima facie est absent de la liste des locutions latines du Franqus.


À sa face même n’est pas une expression rare : Google livre 146 000 résultats pour les pages Internet canadiennes rédigées en français (6 janvier 2013).


Ultra vires

De plus, outre que cette façon d'intervenir se serait avérée concrètement inapplicable, les tribunaux auraient tôt fait de la déclarer ultra vires.
Michel Paillé, « En 35 ans, la loi 101 n'a jamais conduit au moindre diktat touchant la vie privée », Huffington Post Québec, 11 décembre 2012


L’expression, absente des locutions latines du Franqus, est commentée ainsi dans l’ouvrage du Conseil de la langue française Les locutions latines et le droit positif québécois :

Expression rencontrée dans tous les secteurs du droit pour désigner l'acte qui outrepasse une compétence légale. De par son utilisation fréquente en droit constitutionnel pour signaler le caractère inconstitutionnel d'une disposition, on arrive à confondre les termes : « ultra vires » et inconstitutionnel, ou du moins à les prendre pour des synonymes, ce qui est abusif.


J’ajoute que l’expression est présente dans 581 000 pages canadiennes rédigées en français sur Internet (résultats Google, 6 janvier 2013).


Codinde

Il ne s’est pas écoulé 24 heures depuis la découverte des corps. On ne sait rien. Sinon qu’un père pleure ses enfants. Et vous ? Vous lui courez après comme des codindes possédés.
David Desjardins, « L’horreur des autres », Le Devoir, 13 décembre 2012


Codinde vient probablement de coq d’Inde. Le Franqus a coq d’Inde « dindon » (s.v. coq) mais il n’a pas codinde pour désigner un simple d’esprit, une personne peu intelligente. En passant, je ne suis pas le premier à avoir noté cette absence (cf. « Le mot du jour : codindes »).


S’accoter

Le Franqus dit de s’accoter que c’est un « v. pron. souvent péj. ». Il passe sous silence l’emploi passif être accoté, « vivre en concubinage ». Pourtant, il donne comme premier exemple un emploi passif, « ils sont accotés depuis deux ans », alors que le verbe vient d’être présenté comme pronominal… Encore une incohérence.


À suivre


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire