lundi 30 décembre 2013

Lame de neige


L'accident le plus spectaculaire est survenu en dehors de la route. Vers 12h10, un motoneigiste a heurté une lame de neige dans un sentier situé en parallèle avec l'autoroute 70, près de la rue d'Youville à Jonquière.
Stéphane Bégin, « Conditions extrêmes sur la région », Le Quotidien, 21 janvier 2013


Le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), qui fait la distinction entre le verglas et la glace noire (qui n’est que la traduction littérale de black ice « verglas »), ne traite pas d’un terme pourtant typique de l’hiver québécois, la lame de neige.


La lame de neige est une sorte de coulée de neige poussée par le vent et qui vient couper une voie de circulation. C’est de la neige soufflée en travers de la route, bref une congère qui bloque une voie :


« Elle aurait perdu le contrôle de sa voiture dans une lame de neige, et c'est un conducteur qui arrivait en sens inverse qui l'a frappée », indique Geneviève Bruneau, sergente de la Sûreté du Québec (Héloïse Archambault, « Déjà neuf morts sur les routes», fr.canoe.ca, 28 décembre 2011).
« Pourtant, jusque-là, le chemin était beau. Nous roulions normalement et, comme par surprise, il y avait de la glace et de la poudrerie sur la chaussée. Pas une lame de neige, non. Plutôt une rafale. Le vent s'est mis de la partie, tassant l'autobus d'environ deux pieds vers le fossé, et nous avons versé » (Luce Dallaire, « Accident de Plessisville », Le Soleil, 5 mars 2012).
Un véhicule de type utilitaire sport (VUS) s'est retrouvé les quatre roues en l'air. Le capotage est survenu non loin du Rang 3, à proximité de la Ferme Notre Dame Du Lac. La présence d'une lame de neige pourrait être à l'origine du premier accident (François Drouin, « Mini carambolage à Témiscouata-sur-le-Lac », infodimanche.com, 26 mars 2011).
« Il y avait des lames de neige sur la route. Avec les champs autour de la 137, la neige s'accumulait rapidement. Nous sommes restés pris une première fois, j'ai réussi à sortir, mais la deuxième fois, je ne pouvais plus bouger. […] Le lendemain matin, vers 10 h, M. Thiffeault s'est rendu à son véhicule et a constaté qu'un peu plus loin, il y avait une lame de neige de la hauteur d'une maison (Valérie Mathieu, « J’ai eu la peur de ma vie », L’œil régional, 15 mars 2008).


Lame de neige est vraisemblablement un québécisme formé sur le modèle de lame de mer. C’est un autre exemple de l’influence du vocabulaire maritime dans la langue parlée au Québec. En 1970, Gaston Dulong faisait remarquer que « la langue technique de la marine a largement contribué à la formation de la langue populaire au Canada français grâce surtout au procédé bien connu de l’élargissement sémantique et de la transposition » (« L’influence du vocabulaire maritime sur le franco-canadien », Phonétique et linguistique romanes. Mélanges offerts à M. Georges Straka, Lyon-Strasbourg, Société de linguistique romane, t. 1, p. 338).


dimanche 29 décembre 2013

Clash de normes



Lu ce matin sur le site Atlantico.fr : « Télévision : clash entre Jean-Michel Aphatie et Laurent Ruquier à propos de la nouvelle émission de France 2.– Pas encore diffusée mais déjà attaquée. Alors que France 2 a dévoilé, samedi, quelques détails du concept de l'access prime-time de Laurent Ruquier, l'animateur a d'ores et déjà l'assurance de ne pas compter Jean-Michel Aphatie parmi ses fans. »


Le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) a une fiche clash mais dont l’auteur n’est pas l’Office québécois de la langue française (OQLF). Produite par l’Institut supérieur de traducteurs et d’interprètes (de Bruxelles, mais le GDT ne fournit pas cette information), la fiche date de 1980 : « Définition conflit, désaccord violent ». Clash est défini par deux synonymes qu’on pourrait facilement lui substituer. Il n’y a aucune marque normative dans la fiche produite par l’Institut supérieur de traducteurs et d’interprètes et l’équipe du GDT n’en a ajouté aucune.


Le GDT emmagasine des fiches produites par d’autres organismes et, ce faisant, on peut se demander si cela ne se fait pas au détriment de sa politique sur l’emprunt linguistique. En tout état de cause, l’usager ordinaire conclura que le mot clash est accepté par l’Office.


Le GDT a aussi une fiche « incompatibilité de caractères » (anglais : clash of personalities) alors que conflit de personnalités ou choc de personnalités ou encore plus simplement affrontement ou dispute auraient été de meilleurs équivalents.


Quant au terme access prime-time, mentionné aussi dans le texte d’Atlantico.fr, il apparaît dans deux fiches du GDT mais, encore là, dans des fiches produites par d’autres organismes : avant-soirée (Commission générale de terminologie et de néologie de France, 2005) et début de pointe (Radio-Canada, 1993).


Ces exemples montrent que le Grand Dictionnaire terminologique est de moins en moins un dictionnaire et de plus en plus une banque de données terminologiques. Peut-être faudrait-il songer à le rebaptiser.


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Le troisième mot anglais apparaissant dans la citation d’Atlantico.fr a été traité par l’équipe du GDT. L’usage du mot fan, pourtant attesté en français depuis 1923 (selon le TLFi), est déconseillé, on lui préfère partisan. On ajoute la note : « Même si les emprunts à l'anglais fan et supporter, qui ont déjà fait l'objet de critiques, sont aujourd'hui employés en français, ils sont déconseillés puisqu'ils ne comblent aucune lacune terminologique. » Ils ne comblent aucune lacune terminologique. On ne peut que supposer que la même logique se serait appliquée à clash si l’OQLF avait décidé de traiter lui-même le terme.

vendredi 27 décembre 2013

Ville smatte*


Dans la ville durable (smart city), la bibliothèque offre la possibilité de réduire l’impact environnemental en réutilisant le matériel disponible et en en multipliant les usagers.
Caroline Montpetit, « Bibliothèques publiques – Montréal et Vancouver en tête d’un palmarès mondial », Le Devoir, 27 décembre 2013, p. A1


Le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) a bien enregistré le terme ville durable (sustainable city) mais il ne mentionne pas le terme anglais smart city, souvent traduit en français par ville intelligente (terme lui aussi absent du GDT). La question se pose de savoir si l’auteur de l’article du Devoir a bien raison d’indiquer que ville durable est la traduction de smart city, d’autant qu’une recherche rapide sur Internet montre que ce dernier terme est généralement traduit par ville intelligente.


Encore une fois, nous devons avoir recours à Wikipédia pour combler une lacune du GDT : l’encyclopédie en ligne a bien les entrées smart city (ville intelligente) et ville durable (sustainable city). À la lecture des articles, on constate qu’il s’agit bien de deux concepts différents.


On se demande comment l’équipe du GDT a pu passer à côté du néologisme anglais smart city qui est attesté dans cette langue depuis au moins 2009. On le trouve même dans des documents français : le site économique du Grand Lyon annonce que cette ville a élaboré une « stratégie smart city ».


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L’article du Devoir que je cite en exergue rend compte d’une étude sur les bibliothèques publiques dans le monde :


Les chercheurs ont […] évalué distinctement la valeur numérique et la valeur physique des bibliothèques des villes.
 
En évaluant la valeur numérique d’une bibliothèque ou d’un réseau de bibliothèques, les chercheurs se sont demandé si toutes les ressources numériques étaient gratuites, si des guides permettaient l’exploration de la bibliothèque numérique, si la bibliothèque utilisait les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.), et quelles étaient les applications mobiles qu’elle fournissait à ses membres.
 
Quant à la valeur physique de la bibliothèque, elle était déterminée entre autres par la qualité architecturale de ses édifices, par la diversité et la beauté de ses espaces, par la possibilité d’y boire et d’y manger, l’utilisation d’identifications par radiofréquence (RFID), qui permet de localiser un objet, la possibilité de remettre les documents dans plusieurs endroits, l’accès à un réseau Wi-Fi, et les activités de promotion.


Si le compte rendu est fidèle, les chercheurs de cette étude n’auraient pas pris comme critère dans leur évaluation le nombre de livres dans les bibliothèques. Curieux, n’est-ce pas ?


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* Pour les lecteurs étrangers, cliquer ici pour avoir des explications sur les sens du mot smatte en québécois.


dimanche 22 décembre 2013

Chichi


石室詩士施氏, 嗜獅, 誓食十獅
Shíshì shīshì Shī Shì, shì shī, shì shí shí shī
« Dans un repaire de pierre se trouvait le poète Shi, qui aimait manger des lions, et décida d'en manger dix » (célèbre virelangue chinois dont l’auteur est le poète Chao Yuen Ren)


Parmi les actualités de la page d’accueil de l’Office québécois de la langue française (OQLF) du mois de décembre 2013, on trouve une chronique sur les virelangues (« Des virelangues pour les fêtes »). J’ai consulté la fiche virelangue du Grand Dictionnaire terminologique (GDT). Aucune mention du fait que le mot est un calque de l’anglais tongue twister. Encore une fois, force est de constater que Wikipédia permet de compléter les lacunes du GDT : « Le mot virelangue est un néologisme et un calque du mot anglais tongue twister (« qui fait tordre la langue ») ». C’est bien la peine d’avoir une politique de l’emprunt si on n’est pas capable de voir un calque lorsqu’on en rencontre un.



dimanche 8 décembre 2013

Surfer sur la québécitude

Édition électronique du 7 décembre 2013

Hier et aujourd’hui, aux infos de Radio-Canada, j’entends parler de Dominique Maltais et de la Coupe du monde de surf des neiges. Sport que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) s’obstine à appeler planche à neige tout en reconnaissant que ce n’est pas là l’usage international. Est-ce à dire que le mot surf dérange à ce point ? Non, puisque le GDT a une fiche surf de voiture sans proposition pour y remplacer le mot surf. Alors pourquoi ne pas mettre en entrée principale le terme surf des neiges comme équivalent de l’anglais snowboarding ?


C’est surf des neiges que j’ai trouvé dans La Presse, même si la compétition à laquelle prenait part Dominique Maltais y est appelée snowboardcross : « La Québécoise Dominique Maltais a qualifié sa deuxième position samedi dans le cadre d'une compétition de Coupe du monde de surf des neiges, à Montafon, en Autriche, de ‘scénario idéal’ puisque ce résultat la force à poursuivre son travail acharné dans l'espoir de décrocher l'or aux Jeux olympiques de Sotchi en février. L'athlète de Petite-Rivière-Saint-François, dans Charlevoix, s'est inclinée devant la Tchèque Eva Samkova en snowboardcross » (La Presse, 7 décembre 2013). Le terme surf des neiges est bien présent dans les médias québécois.


C’est surf des neiges qu’on trouve sur le site officiel de l’équipe olympique du Canada. Mais ce sport est régi au Canada par un organisme qui s’appelle… Fédération canadienne de Snowboard. C’est d’ailleurs snowboard que j’ai trouvé dans le journal français L’Équipe.


Dans la fiche planche à neige, le GDT « géolocalise » le terme en ajoutant la marque « Canada ». Mais rien de tel dans la fiche épreuve de cross en planche à neige. Encore un manque de systématicité. Au fait, peut-on m’expliquer pourquoi le GDT qui, désormais, assume sa québécitude, continue d’avoir recours à la marque « Canada » ?