mercredi 27 janvier 2016

Francophonie sous perfusion



Dans Le Devoir d’aujourd’hui, l’article de Robert Dutrisac, « Le français, non merci », rend compte d’une étude de Jean Ferretti (Le Québec rate sa cible) sur la francisation et l’intégration des immigrants.


Extrait du texte de Robert Dutrisac :

[…] les immigrants de langue maternelle latine ou originaires de la Francophonie, quelle que soit leur langue maternelle, sont enclins à adopter le français, alors que c’est l’inverse pour les immigrants de langue maternelle non latine. Depuis 1971, la proportion des immigrants de langue latine qui adoptent le français a augmenté à 87 %, tandis que le transfert vers le français des immigrants de langue non latine est resté le même en 30 ans, à 15 %.

Ainsi 88 % des Latino-Américains et 90 % des Arabes installés au Québec connaissent le français, alors que plus de 40 % des Chinois et des Sud-Asiatiques ne connaissent pas le français.


La rédaction du texte laisserait croire que l’arabe serait une langue latine, ce qui est évidemment faux. Et je ne crois pas que cette ambiguïté doive être attribuée au chercheur.


En fait, nous avons affaire ici à la reprise d’une catégorisation proposée dans les années 1980 par Charles Castonguay dans ses études sur l’assimilation linguistique. Pour Castonguay, les francotropes, venant d’anciennes colonies ou protectorats de la France (Maghreb, Viêt-Nam, Laos, Cambodge, Afrique subsaharienne, etc.) et de pays de langue romane (Amérique latine, Roumanie, etc.) étaient plus portés à se tourner (τρόπος, « tour ») vers le français. En revanche, les anglotropes venaient de pays relevant de l’aire culturelle anglaise ou américaine et s’intégraient donc plus facilement à la minorité anglophone du Québec.


Mais l’évolution politique des pays qualifiés de francotropes il y a 30 ans les a pour plusieurs éloignés d’une pratique sociale répandue de la langue française, spécialement en Asie du Sud-Est. À tel point que l’Agence universitaire de la Francophonie, dont le mandat concerne en principe les universités, doit maintenant prendre en charge des classes bilingues dans les collèges et les lycées de plusieurs pays naguère francotropes pour assurer la relève d’une élite universitaire francophone :

Il s’agit d’aider les pays nouvellement adhérents à la francophonie, par des programmes de relance et de renforcement de l’enseignement du français et de l’enseignement en français et d’offrir ainsi à la jeunesse la possibilité de faire en langue française toute leur scolarité de la première classe de l’école primaire au doctorat d’université. Cette relance et ce renforcement se réalisent dans le cadre de cursus intégrés aux systèmes éducatifs nationaux. L’Agence Universitaire de la Francophonie, en réponse aux demandes de pays francophones de la péninsule indochinoise, du Monde Arabe, de la Caraïbe, du Pacifique-Sud et d’Europe Centrale et Orientale, a développé dans l’enseignement primaire et secondaire des programmes spécifiques :

• Classes bilingues en Asie Pacifique (Cambodge, Laos, Vietnam) et en Europe centrale et orientale (Moldova)

• Classes à français renforcé en Haïti et au Vanuatu


La catégorisation francotrope /anglotrope peut être utile dans l’étude de l’intégration linguistique des immigrants au Québec mais sa définition doit être revue pour tenir compte de l’évolution sociopolitique mondiale des dernières décennies.


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