vendredi 3 novembre 2017

La pyramide de Khéops, les fake news et le GDT


Une nouvelle cavité a été découverte à l’intérieur de la pyramide de Khéops en Égypte grâce à des technologies de la physique des particules. […]
Dans le but de mieux comprendre la structure de la pyramide sans toutefois percer des ouvertures, les chercheurs ont fait appel à différentes techniques de détection des muons […]
Le Devoir, 3 novembre 2017, p. A4


En lisant l’article du Devoir dont j’ai mis un extrait en exergue, je me suis aperçu qu’il contenait un certain nombre de termes techniques et j’ai voulu voir si le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) les avait traités.


Première découverte : le GDT n’a pas de fiche pour pyramide en architecture ! Il faut donc consulter des dictionnaires généraux comme le Trésor de la langue française informatisé (TLFi) pour avoir la définition « grand monument à base rectangulaire et à quatre faces triangulaires se terminant en pointe qui servait de tombeau aux pharaons ».



Voici un tableau de quelques mots techniques figurant dans l’article du Devoir avec, dans la seconde colonne, l’indication de leur traitement ou non par le GDT.

Terme technique
Y a-t-il une fiche du GDT sur ce terme?
muon
oui (1990)
détecteur de muon
non
accélérateur de particules
oui (2007)
pellicule à émulsion nucléaire
non
muographie
non
scintillateur
8 fiches, aucune produite par l’OQLF
accélérateur de haute énergie
non
hodoscope
oui (fiche non produite par l’OQLF)
détecteur gazeux
Le GDT a une fiche « détecteur de gaz », ce qui n’est pas la même chose que les « détecteurs à remplissage gazeux » dont parle l’Encyclopædia Universalis à propos des détecteurs électroniques de particules élémentaires


Le GDT n’a donc pas de fiche pour 6 des 10 termes (incluant le mot pyramide). Pas fameux comme résultat. Plutôt que de sans cesse défaire et refaire le travail, « au lieu d’effectuer un retour en arrière, de détricoter les importants travaux terminologiques soigneusement élaborés au cours des années 70 », l’OQLF « devrait s’en tenir à son mandat original et accomplir avec efficacité la mission qui lui a été confiée par la Charte de la langue française » comme l’affirment Jean-Claude Corbeil et Marie-Éva de Villers.

*   *   *

Publicité de CNN: Facts are facts. They aren’t colored by emotion or bias. They are indisputable. There is no alternative to a fact. Facts explain things. What they are, how they happened. Facts are not interpretations. Once facts are established, opinions can be formed. And while opinions matter, they don’t change the facts. That’s why, at CNN, we start with the facts first.

On vient d’apprendre que fake news a été élu le mot anglais de l’année par l’équipe du dictionnaire Collins (Le Figaro, 2 novembre 2017). J’ai profité du fait qu’on attirait mon attention sur ce mot pour vérifier quel traitement lui avait réservé le GDT. Pas de surprise quand on lit la note : « L'emprunt intégral fake news est déconseillé parce qu'il a été emprunté à l'anglais depuis peu de temps et qu'il ne s'intègre pas au système linguistique du français. » On peut s’interroger sur la validité de l’affirmation que le terme ne s’intègre pas au système linguistique du français quand on sait que le mot est utilisé quotidiennement par des milliers de francophones. Le terme ne semble guère poser de problèmes d'intégration, au moins à l'oral. Il serait plus juste de dire qu'il s'accorde mal avec le système orthographique du français.


En revanche, le rédacteur de la fiche a introduit une observation intéressante, malheureusement absente de la récente Politique de l’emprunt linguistique de l’OQLF : l’emploi de fake news « est caractérisé par une certaine réticence linguistique, notamment à l'écrit, où il est souvent marqué typographiquement, que ce soit par l'utilisation des guillemets ou de l'italique.» Voilà une raison beaucoup plus sérieuse pour justifier une attitude réservée par rapport à cet anglicisme que la prétendue non-intégration au système linguistique.


La fiche du GDT, produite en 2017, aurait pu s’inspirer de la position de l’Académie française:


Fake news
Le 04 mai 2017
Depuis plusieurs mois l’expression fake news s’est largement répandue en France. Celle-ci nous vient des États-Unis et nombre de commentateurs et de journalistes semblent avoir des difficultés pour lui trouver un équivalent français. Pourtant, ne serait-il pas possible d’user de termes comme bobard, boniments, contre-vérité, mensonge, ragot, tromperie, trucage ?
on dit
on ne dit pas
La prolifération des contre-vérités
Alimenter la presse en ragots
La prolifération des fake news
Alimenter la presse en fake news



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